La campagne de vaccination contre le Covid-19, qui a débuté le 27 décembre 2020 en Allemagne, ne se déroule pas aussi vite que prévu, même si le ministère de la Santé maintient son objectif de proposer à tous les citoyens une offre de vaccination d'ici la fin de l'été. L'arrivée au mois de février du vaccin AstraZeneca devait pourtant accélérer le processus, mais les récents incidents liés à ce vaccin, qui dans un premier temps n'avait été approuvé en Allemagne que pour les moins de 65 ans, constituent un nouveau défi pour le gouvernement fédéral. L'introduction d'une nouvelle restriction préventive oblige l'Allemagne à modifier sa campagne de vaccination, afin d'utiliser les 56 millions de doses qui seront livrées cette année.
Le vaccin AstraZeneca n'est pas recommandé pour les moins de 60 ans
Le 30 mars 2021, suite à la survenue de rares cas de thromboses recensés après l'administration du vaccin contre le Covid-19 du groupe AstraZeneca, la Commission permanente des vaccinations (STIKO), qui dépend de l'Institut Robert Koch (RKI), annonçait qu'elle ne recommandait ce vaccin que pour les personnes âgées de plus de 60 ans. Le gouvernement fédéral et les Länder se sont ralliés à cet avis dès le lendemain, alors même qu'il n'existait encore aucune preuve que le vaccin soit à l'origine de l'apparition de ces troubles de la coagulation, précise l'Institut Paul Ehrlich (PEI), l'organisme allemand de réglementation des médicaments et des vaccins.
Cette décision marque la fin de multiples atermoiements, puisque l'administration du vaccin AstraZeneca, autorisé sur le territoire européen le 30 janvier 2021 et utilisé en Allemagne depuis début février, avait été mise en pause pendant plusieurs jours dès la mi-mars, puis réautorisée après de nouveaux contrôles de l'Agence européenne des médicaments (EMA) et de la STIKO. Suite à la mise en garde de plusieurs hôpitaux, certaines municipalités, comme Berlin et Munich, et certains arrondissements avaient cependant anticipé la décision du 31 mars en le suspendant à titre préventif.
Une recommandation dans l'intérêt de la population allemande
Le 8 avril, bien que l'EMA ait de nouveau préconisé son utilisation sans restriction, dans la mesure où les bénéfices seraient supérieurs aux risques, la STIKO a cependant décidé de maintenir sa recommandation.
Comme l'a précisé le président de la commission, Thomas Mertens, lors d'une interview accordée à la radio
rbb, les évaluations de l'EMA, du PEI et la STIKO ne sont pas en contradiction, car personne ne conteste le fait que le vaccin AstraZeneca puisse entraîner des effets secondaires graves, voire mortels dans de très rares cas. Mais ces trois instances n'exercent pas la même responsabilité, puisque celle de l'EMA relève de la délivrance d'une autorisation au niveau européen, tandis que la STIKO a pour objet de réglementer l'utilisation des vaccins dans l'intérêt de la population allemande. Alors que de nombreux pays européens dépendent presque entièrement du vaccin AstraZeneca, l'Allemagne dispose de plusieurs produits. En l'absence d'une institution européenne "
qui pourrait élaborer et faire appliquer une recommandation commune à tous les pays européens", il revient à chaque pays d'examiner l'utilité du vaccin selon ses propres données, conclut-il.
L'Allemagne a donc décidé de s'appuyer sur le principe de la certitude maximale, fondement de la confiance dans la vaccination. C'est ce qui ressort des propos d'Angela Merkel, qui a déclaré le 31 mars : "Cette confiance émane de la certitude que l'on se penchera sur chaque cas suspect, sur chaque cas individuel". Entre se voiler la face et prendre ces cas au sérieux, c'est la deuxième option qui permet de créer un maximum de confiance, même si la chancelière regrette de ne pouvoir "dissiper les incertitudes". Le ministre de la Santé Jens Spahn confirme le même jour que les citoyens allemands peuvent être certains que les vaccins approuvés en Allemagne sont "méticuleusement contrôlés".
Les effets secondaires recensés en Allemagne
En Allemagne, 42 cas suspects de thromboses veineuses cérébrales ont été signalés au PEI, survenus 4 à 16 jours après l'administration du vaccin AstraZeneca. Dans 23 cas, elles étaient accompagnées d'une thrombocytopénie (déficit de plaquettes). Dans 8 cas, l'issue a été fatale.
Le dernier rapport de sécurité du PEI, publié le 9 avril, mentionne en tout 31.149 cas suspects d'effets secondaires et de complications recensés entre le 27 décembre 2020 et le 2 avril 2021 suite à une vaccination contre le Covid-19 avec les trois produits dont dispose l'Allemagne : Comirnaty du laboratoire BioNTech, Moderna et Vaxzevria, nouveau nom d'AstraZeneca.
Selon les données du RKI, plus de 14 millions de vaccinations ont été réalisées, dont près de 11 millions avec Comirnaty et environ 3 millions avec Vaxzevria. Les cas suspects signalés sont en tout de l'ordre de 2,2‰ et les réactions graves de 0,2‰. La proportion de thromboses cérébrales accompagnées de thrombocytopénies relève ainsi de 1 cas pour 100.000 vaccinations.
Sept cas de thromboses veineuses cérébrales ont également été signalés après vaccination avec Comirnaty, mais sans thrombocytopénies, et des thrombocytopénies ont affecté des personnes vaccinées avec Comirnaty (17 cas) comme avec Vaxzevria (64 cas, dont 3 décès).
Les thromboses cérébrales et les thrombocytopénies ne sont pas les seuls effets secondaires graves enregistrés par le PEI, qui a aussi recensé des réactions anaphylactiques et d'autres thromboses, artérielles (infarctus du myocarde, ischémie cérébrale) ou veineuses (phlébite, embolie pulmonaire).
Impact sur la campagne de vaccination
Si ces incidents représentent un revers dans le calendrier de la vaccination, le ministre de la Santé considère cependant qu'il est possible de renverser la tendance en accélérant le tempo pour les plus de 60 ans, qui pourront bénéficier d'une offre accrue. Par ailleurs, la limite d'âge n'est pas une injonction : la STIKO précise en effet que les moins de 60 ans peuvent, à leur demande, se faire vacciner en cabinet médical avec le vaccin AstraZeneca "après une explication approfondie et acceptation du risque encouru". Pour ce qui est de l'administration de la deuxième dose aux personnes qui ont déjà reçu une première dose d'AstraZeneca, si la STIKO recommande le recours à un vaccin à ARN messager, les ministres de la Santé des Länder ont pour le moment reporté leur décision.