Dans un entretien accordé à la MAP, la spécialiste en médecine interne et en gériatrie, Dr Khadija Moussayer répond à nos questions et fait le tour des préoccupations des seniors concernant les cas d’exemption du jeûne et les risques de faire le Ramadan en dépit de la dispense médicale, et livre des conseils pratiques pour passer un Ramadan en pleine forme.
Dans quels cas les personnes âgées peuvent-elles être exemptées du jeûne ?
Les personnes âgées (PA) souffrant d’une maladie chronique telle un diabète a fortiori traité à l'insuline et non équilibré, une insuffisance rénale ou une maladie cardiaque doivent en être dispensées. Le jeûne est déconseillé aux patients avec un infarctus récent, une angine de poitrine instable, une décompensation cardiaque récente ou un traitement de diurétiques à haute dose. Dans toutes ces situations, le jeûne du Ramadan expose à la déshydratation, l’hypoglycémie et les malaises induisant des chutes et des fractures.
Le jeûne est également interdit en cas de baisse de la fonction des glandes surrénales (insuffisance surrénalienne), car le traitement substitutif utilisé dans cette maladie nécessite une prise régulière au cours de la première partie de la journée, un impératif incompatible avec le jeûne.
Bien qu’elles soient dispensées du jeûne, certaines personnes âgées restent campées sur leur position de faire le Ramadan. Comment ce comportement pourrait-il mettre leur santé en péril ?
Ce comportement peut mettre en péril non seulement leur santé, mais également leur vie. Des pathologies stabilisées peuvent se décompenser avec survenue de complications très graves telles : un accident vasculaire cérébral, un infarctus du myocarde ou une insuffisance rénale. En cas de diabète, il y a un risque accru d’hypoglycémie, d’hyperglycémie et d’acidocétose.
Il y a un problème particulier inhérent à cette période, c’est celui de la mauvaise gestion des médicaments du fait de la courte durée de rupture de jeûne. D’autant plus que les PA présentent une grande vulnérabilité aux médicaments du fait de l’élimination rénale ralentie, de l’accumulation dans les graisses ainsi que de leur passage plus agressif dans le cerveau. Les médicaments restent ainsi en plus grande quantité et plus longtemps dans l’organisme.
Aussi, la situation se complique lorsque plusieurs doses de médicaments doivent être prises à intervalles réguliers ; de même que la nécessité de prendre certains médicaments à jeun, les absorber avant le petit-déjeuner peut s'avérer inapproprié durant le Ramadan, l'estomac n'étant pas toujours vide au réveil.
Par ailleurs, la prise de certains médicaments est incompatible avec le jeûne : diurétiques, sulfamides hypoglycémiants.
Quels sont les aliments à privilégier lors du Ftour et du Shour pour les seniors autorisés à jeûner ?
Il faut privilégier un repas léger au moment de la rupture du jeûne et surtout éviter les aliments sucrés à l’origine d’une forte sécrétion d’insuline et de survenue de sensation de faim.
Au moment du Shour, un petit-déjeuner consistant est recommandé. Il faut éviter lors de ce repas des boissons contenant des excitants (café, thé, menthe, chocolat, boissons énergisantes ou à base de cola) car elles perturbent le sommeil et certaines sont à l’origine d’une augmentation de mictions, un facteur d’aggravation de la soif.
Les personnes âgées (PA) ne doivent pas restreindre leur consommation alimentaire au mois de Ramadan, car, contrairement aux idées reçues, leurs besoins énergétiques sont presque identiques à ceux de l’adulte jeune. Les besoins en eau, en protéines et en calcium sont même plus élevés que l’adulte jeune. Pour éviter l’aggravation de la fonte musculaire, l’apport nutritionnel conseillé en protéines, en particulier lors du ramadan, doit être supérieur à celui de l’adulte jeune : 1 à 1,2 contre 0,8 à 1g/kg/j.
Selon vous, est-il possible, voire recommandé, pour les seniors de concilier jeûne et activité physique durant ce mois ?
Une activité physique quotidienne de 15 à 30 min est recommandée pour lutter contre la diminution de la masse musculaire liée à l’âge pouvant être aggravée par le jeûne. En effet, la masse musculaire diminue avec l’avancée dans l’âge, les muscles ne constituent que 17% du poids du corps à 70 ans contre 30% à 30 ans. Ce phénomène, la sarcopénie, a des répercussions considérables par les faiblesses qu’il provoque : risques infectieux par baisse des réserves protéiques nécessaires aux défenses immunitaires, chutes et fractures éventuelles compromettant l’autonomie de la PA.
Par ailleurs, l’activité physique surtout en plein air a un impact positif sur le sommeil et sur le moral. En effet, en s’exposant à lumière naturelle durant la journée, cela permet à cette dernière de pénétrer à travers les yeux et de faire secréter l’hormone de sommeil, la mélatonine.
Néanmoins, les PA ne doivent pas dépasser les exigences physiologiques de leur corps et savoir que leurs "paramètres" physiologiques, très différents d’une personne plus jeune, les obligent à faire preuve de vigilance.
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