A l'occasion du 20ème anniversaire de la création du Centre nomade des arts "Moussem" en Belgique, son directeur Mohamed Ikoubaan accorde à la MAP un entretien dans lequel il braque les projecteurs sur les plus importantes réalisations de ce centre et sa riche contribution à la promotion et au rayonnement du patrimoine artistique marocain et arabe en Belgique et en Europe.

Vingt ans après la création du Centre nomade des arts "Moussem", comment évaluez-vous cette expérience culturelle, notamment pour ce qui est du rôle du centre dans la promotion du patrimoine culturel marocain en Belgique ?

Mohamed Ikoubaan : L'aventure "Moussem" a commencé en mai 2001 avec un festival visant à répondre essentiellement aux aspirations et aux besoins culturels de la communauté marocaine. Ensuite, le champs d'action du centre s'est rapidement élargi pour couvrir tous les artistes et les projets artistiques de la région arabe. Aujourd'hui, en vingt ans d'action culturelle et après avoir commencé à opérer à partir de Bruxelles, la capitale de la Belgique et de l'Union européenne, Moussem est devenu un projet culturel global et un centre international des arts.

"Moussem" a joué un rôle pionnier dans l'intégration de la culture marocaine dans le paysage culturel belge et européen au fil des années et a permis à de nombreux artistes de se produire sur scène, d'avoir accès aux théâtres, centres d'art et aux prestigieux festivals belges et internationaux.

Il a également réussi tout au long de ces deux dernières décennies à créer des liens entre les artistes et les créateurs marocains et leurs pairs européens.

Pour réaliser ses objectifs et avoir une place de choix dans le paysage culturel belge, le centre a développé une vision et une politique réfléchies. Ainsi, outre l'organisation de festivals et de spectacles touchant à différents genres artistiques, Moussem a toujours soutenu les artistes et les créateurs que ce soit au niveau de la production ou de la distribution.

Il a également invité de grands noms de la chanson à se produire dans les plus prestigieuses salles de spectacle belges et a perpétué la tradition d'organiser des manifestations et des festivals annuels à l'instar de la "Sufi Night" et de "Moussem sounds" de la musique moderne. Moussem a été toujours ouvert sur la musique amazighe et arabo-andalouse et d'autres styles musicaux caractéristiques de notre pays.

Par ailleurs, à l'occasion du festival pluridisciplinaire "Moussem Cities", le centre célèbre chaque année une ville arabe en accueillant ses artistes pendant un mois à Bruxelles. Lors de la troisième édition en 2018, Moussem Cities a célébré la ville de Casablanca.

Afin de renforcer son rayonnement sur la scène culturelle, le centre a mis en place de nouveaux concepts de projets culturels à même d'avoir un impact sur le paysage artistique contemporain. Dans ce sens, Moussem a eu un rôle important dans le soutien d'artistes dans les domaines du théâtre et de la danse contemporaine. Il convient d'évoquer aussi le projet "Moussem Repertoire" qui permet de traduire et de publier des textes de théâtre arabe, sans oublier l'organisation de manifestations axées sur les universités et les instituts d'études théâtrales en Europe.

Pour ce qui est du projet "Moussem Collection" en partenariat avec des musées belges, il vise à acquérir des œuvres d'artistes plasticiens marocains et arabes et de les intégrer dans les collections officielles de musées. Grâce à ce projet, nous avons pu intégrer les toiles de plus de 10 artistes marocains dans les collections permanentes de trois musées contemporains belges.

Par ailleurs, la série "Islam et pensée critique" organisée en coopération avec l'Université libre de Bruxelles, se veut l'occasion de mettre en lumière l’héritage des lumières et de la critique tout au long de l’histoire de la pensée islamique.

Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous faites face lors de la réalisation de vos projets culturels en Belgique et est-ce que vous avez l'appui des institutions et des organismes en charge de la culture dans le pays?

M.I : La principale difficulté à laquelle nous avons fait face au début était la méconnaissance des Belges en matière de culture marocaine et les idées reçues qu'ils avaient. La majorité d'entre eux ne connaissait en effet que le thé à la menthe et le couscous.

Après les premières manifestations organisées par Moussem, au cours desquelles nous avons mis en avant la splendeur, la richesse et la diversité de la culture marocaine dans ses différentes expressions (musique, poésie, littérature, cinéma, théâtre...), les difficultés se sont dissipées et les milieux culturel et politique ont commencé à adhérer à toutes nos initiatives.

Nous avons ainsi réussi à avoir le soutien du ministère flamand de la Culture et des autorités locales. En outre, les théâtres et les musées, y compris les plus prestigieux, ont été réceptifs à nos idées et projets permettant à Moussem de devenir un acteur culturel de premier plan.

Quels sont vos projets futurs après la période difficile marquée par la pandémie de Covid-19 qui a paralysé le secteur culturel en Belgique comme un peu partout dans le monde?

M.I: Certes la pandémie de Covid-19 a paralysé le monde de la culture, mais elle nous a donné l'opportunité de prendre du recul, d'évaluer les réalisations de Moussem tout au long de ses vingt ans d'existence et de s'inspirer des expériences passées pour planifier sereinement le futur.

Nous sommes très heureux de reprendre nos activités et nos programmes et d'accueillir à nouveau notre public fidèle à l'occasion de concerts, de spectacles, ou encore de représentations théâtrales au palais des Beaux-arts (Bozar) à Bruxelles et dans d'autres centres artistiques. Nous prévoyons également l'organisation de la 14ème édition de la "Sufi Night" et d'expositions d'arts visuels et plastiques dans les plus prestigieux musées d'art contemporain.

Parmi nos prochaines activités figure également la 6ème édition du festival "Moussem Cities" qui sera dédiée à la capitale sénégalaise Dakar. Par ailleurs, nous allons poursuivre notre soutien à de nombreux d'artistes.

De même, nous nous attelons actuellement à deux chantiers qui auront un grand impact sur le centre et consolideront son rayonnement à l'avenir. Après vingt ans d'action culturelle au caractère nomade, nous avons acquis un bâtiment à Bruxelles pour en faire un centre de production et de résidence artistique. En parallèle, nous nous penchons sur l'élaboration du plan quinquennal 2023-2027 de Moussem pour prolonger le soutien du ministère flamand de la Culture.