Les résultats dévoilés dimanche soir par le Tribunal électoral suprême (TES) ont cristallisé deux certitudes : premièrement, il s’agit bien des élections les plus polarisées de l’histoire du pays, deuxièmement, la concurrence est beaucoup plus serrée que l’on prévoyait dans les sondages d’opinion qui s’attendaient à un écart d’une quinzaine de points en faveur de Lula.
Les deux candidats qui croiseront le fer dans quatre semaines ont engrangé à eux seuls près de 90% des voix qui étaient en jeu, alors qu'une dizaine d'autres prétendants ont partagé le reste.
La polarisation a créé une ambiance de vives tensions accentuées par la remise en cause par le président sortant de la fiabilité du système de vote électronique adopté en 1996 dans ce pays de plus de 212 millions habitants.
La tension est telle que les instituts de sondage n’ont pas procédé à l’enquête des sorties des bureaux de vote pour la première fois depuis 1989, l’armée a renforcé la sécurité dans 568 des 5.570 municipalités du pays et la Cour suprême a interdit le port d’armes durant le weekend électoral après des meurtres à connotation politique.
Néanmoins, le processus électoral s’est déroulé dans la "normalité" et a reflété "la maturité démocratique des Brésiliens", malgré quelques incidents isolés, selon le président du Tribunal électoral suprême (TES), Alexandre de Moraes.
Dans cette bataille à couteaux tirés, la victoire finale se jouera sur des détails et dépendra principalement de la capacité de l’un ou de l’autre à convaincre du bienfondé de son projet et à s’adjuger les voix de ceux ayant voté pour les autres candidats au premier tour, qui représentaient près de 10% des électeurs du dimanche.
Dans cette ambition, le volet socio-économique est un facteur clé, car il demeure la première des préoccupations des électeurs. "Je comprends qu'il y ait beaucoup de votes conditionnés par la situation du peuple brésilien, qui a ressenti l'augmentation des prix", a déclaré Bolsonaro juste après l’annonce des résultats, notant : "nous allons maintenant mieux expliquer à la population brésilienne, en particulier les plus pauvres, la situation".
"Le second tour sera féroce. Lula affirmera, dans tous les coins du pays, sa supériorité électorale et revendiquera la victoire. Mais force est de constater que sa performance n'a pas été à la hauteur des aspirations. Pour ceux qui s'attendaient à une victoire au premier tour, les sondages n’étaient pas si proches de la réalité", a déclaré à la MAP l’expert brésilien en géopolitique et relations internationales, Marcus Vinicius de Freitas.
Pour lui, Bolsonaro est aussi dans une situation compliquée. "La façon dont a été gérée la pandémie fait des ravages à ce stade. Une bonne partie de l'électorat reste très marquée par la façon d’agir du président", a-t-il expliqué.
Ainsi, d’ici le 30 octobre, il s’agira d’une course contre la montre pour étoffer les bases électorales y compris dans les camps adverse et dans des états clé qui peuvent faire la différence.
M. De Freitas estime que "la Polarisation sera accentuée d’ici là. Bolsonaro devra agir plus intensément même dans les abords du Parti des travailleurs et concentrer ses efforts dans l'État de Minas, un État clé dans l’histoire des élections brésiliennes, qui doit être conquis pour éviter le retour de Lula au pouvoir".
Les présidentielles, a-t-il poursuivi, ont peut être montré qu’une partie de l'électorat semble bien plus préoccupée par le discours de Jair Bolsonaro que par les graves accusations de corruption contre Lula da Silva.
Au niveau de l’élection des gouverneurs, plusieurs proches de Bolsonaro l’on emporté, comme à Minas Gerais, au District fédéral et à Rio de Janeiro. L’expert brésilien souligne que cela augure d’une longue vie au "bolsonarisme" qui peut se consolider même au-delà du deuxième tour présidentiel.
La deuxième bataille sera une conquête par la séduction et la dénonciation. Si Bolsonaro va se concentrer sur le bilan de son gouvernement, notamment avec l’embellie de ces derniers mois, Lula va continuer à rappeler les progrès réalisé durant ses deux mandats à la présidence.
L’universitaire brésilien, Altair de Sousa Maia, souligne que Bolsonaro s’en est finalement bien sorti après les effets de la pandémie et de la guerre en Ukraine, en retrouvant la croissance et en réduisant significativement le chômage.
"Ce bilan du président Bolsonaro, un pays aux comptes équilibrés, sortant indemne du revers économique de la pandémie, à l'inflation maîtrisée et au redressement soutenu, peut être un véritable atout", a-t-il expliqué.
Jusqu’ici au moins, le leader de la droite aura tenu tête à Lula qui a construit une large coalition et qui était donné gagnant dès le premier tour.
Rien n’est acquis pour le moment. Pour connaitre leur président, les Brésiliens devront patienter encore quatre semaines, durant lesquelles le suspense demeurera entier.
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