Alors qu’en temps normal, le paquet des normes d’adhésion '’très strict’’, exigé à chaque candidat à l’intégration du bloc européen, aurait disqualifié illico l’Ukraine, le pays ayant des montagnes de progrès à gravir pour se conformer à la législation européenne, le contexte actuel y est décidément plus favorable. La guerre a fait que les Européens, à l’affut de tout geste politique éloignant Kiev de Moscou, semblent être prêts à ‘’fermer les yeux’’ sur quelques exigences, à édulcorer leurs conditions, voire proposer des chemins de traverse. L’Ukraine, qui y voit une fenêtre d’opportunité qui risque de ne plus se présenter à l’avenir, presse de tout son poids.
En visite surprise, le weekend dernier à Kiev, la présidente de l’Exécutif européen, Ursula Von Der Leyen, a entrouvert la porte de l’espoir aux revendications de l’Ukraine, qui réclame un "engagement juridique" lui permettant d'obtenir au plus vite un statut de candidat officiel à l'Union européenne.
"Nous voulons soutenir l'Ukraine dans son parcours européen. Nous voulons regarder vers l'avenir", a assuré von der Leyen, qui a estimé toutefois qu’’’il y a encore beaucoup à faire’’ (pour obtenir le statut de candidat, ndlr).
Kiev compte aussi sur l’appui du Parlement européen. Sa présidente, Roberta Metsola, n’a jamais caché son appui ferme et sans ambages à la candidature ukrainienne.
"L'Ukraine fait déjà partie de notre famille européenne. Mais il est grand temps qu'elle ait aussi la possibilité réelle de rejoindre notre projet européen. Le Parlement européen, que j'ai l'honneur et la responsabilité de présider, soutient fermement la demande de l'Ukraine de recevoir le statut de candidat à l'UE", a-t-elle déclaré.
Cette semaine sera en effet décisive. Après un débat d’orientation tenu, lundi dernier, par les vingt-sept membres du collège des commissaires européens, l’Exécutif doit trancher ce vendredi : soutenir ou pas l’attribution d’un statut de ‘’candidat’’ à l’adhésion pour l’Ukraine, mais aussi pour la Géorgie et la Moldavie, qui attendent depuis un certain temps.
Ensuite, ce sera aux dirigeants européens d’actionner ou non le processus. Ils devront trancher, à l’unanimité, lors du sommet de Bruxelles, les 23 et 24 juin courant. Commencerait alors (ou pas) une longue et exigeante négociation qui pourrait durer des années.
Les Ukrainiens en sont conscients. Le président Volodymyr Zelensky a reconnu que le statut de candidat serait "un point de départ", avec à la clé un long processus de négociations et de réformes.
"Nous devons supprimer cette zone grise qui est si tentante pour l'État russe. Nous devons passer des paroles aux actes en affirmant que l'Ukraine fait partie de la famille européenne. Dans les semaines à venir, l'UE peut faire un pas historique qui prouvera que les mots sur l'appartenance du peuple ukrainien à la famille européenne ne sont pas vides de sens", a-t-il plaidé.
Alors que les Vingt-Sept sont très divisés sur la question, les responsables ukrainiens multiplient les déplacements pour convaincre les plus sceptiques, dans le cadre d’une vaste offensive diplomatique dans toute l’UE.
Lundi dernier à Bruxelles, le président du parlement ukrainien, Ruslan Stefanchuk, a relayé auprès des Belges un message qu'il avait déjà porté la semaine dernière à la plénière du Parlement européen à Strasbourg : l'Ukraine attend un "oui franc et massif" de la part des Européens.
Le très médiatique conseiller en politique étrangère du président Zalensky, Ihor Zhovkva a appuyé où ça fait mal ! ‘’Ne pas accorder à l’Ukraine le statut de candidat à l’UE plus tard ce mois-ci signalerait à la Russie la faiblesse de l’Europe et pourrait plonger le pays dans une attente perpétuelle de l’élargissement’’, a-t-il martelé au micro de médias européens.
Si des pays proches géographiquement, au premier rang desquels la Pologne, militent pour ouvrir sans attendre les portes de l'Europe à ce voisin, d'autres, parmi lesquels les pays du Benelux, le Danemark, la Suède ou encore la France rappellent qu'il y a toute une procédure à suivre, et de nombreuses étapes à franchir, avant d'entrer dans l'Union.
Le ministre délégué français aux Affaires européennes, Clément Beaune, a douché quelque peu les espoirs ukrainiens, préconisant l’adhésion de Kiev, tout d’abord, à la communauté politique européenne proposée par le président Macron.
‘’Il faut être honnête. (…) Si on dit que l’Ukraine va rentrer dans l’UE dans 6 mois, 1 an ou 2 ans, on ment. Ce n’est pas vrai. C’est sans doute 15 ou 20 ans, c’est très long’’, a expliqué sur les ondes d’une radio française.
Toutefois, les Ukrainiens ne veulent rien entendre d’un éventuel modèle alternatif au processus d’élargissement de l’UE, y compris la proposition du président français Emmanuel Macron, qui verrait l’Ukraine et d’autres pays entrer dans un cadre plus large de deuxième niveau sans accorder une adhésion complète.
Des formules à mi-chemin seraient à l’étude. Des sources européennes croient savoir que le document qui serait soumis par la Commission au sommet européen serait assorti de conditions liées à l’État de droit et à la législation anti-corruption. Les dirigeants européens gardent également en tête le fait que d’autres pays des Balkans occidentaux, comme la Macédoine du Nord et l’Albanie, attendent depuis bien trop longtemps cette étape.
Il faut dire qu’à Bruxelles, la question divise au plus haut rang. L’on estime que loin des considérations techniques d’adhésion, il s’agit d’une question politico-émotionnelle. Et une décision lourde, qui soulève une question beaucoup plus large : quel avenir pour l’UE ?
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